vendredi 6 janvier 2017

Fraternité

La France a deux choses très fortes que je ne vois chez nulle autre nation. Elle a à la fois le principe et la légende, l'idée plus large et plus humaine, et en même temps la tradition plus suivie. Ce principe, cette idée, enfouis dans le Moyen-Age sous le dogme de la Grâce, ils s'appellent en langue d'homme la fraternité. Cette tradition, c'est celle qui fait de l'histoire de France celle de l'humanité. En elle se perpétue, sous formes diverses, l'idéal moral du monde, de Saint-Louis à la Pucelle, de Jeanne d'Arc à nos jeunes généraux de la Révolution. Le sein de la France, quelle qu'il soit, est celui de toutes les nations. Il est adopté, béni et pleuré du genre humain. Pour tout homme, disait impartialement un philosophe américain, le premier pays, c'est sa patrie, et le second, c'est la France. Mais combien d'hommes aiment mieux vivre ici qu'en leur pays ? Dès qu'il peuvent un moment briser le fil qui les tient, ils viennent, pauvres oiseaux de passage, s'y abattre, s'y réfugier, y prendre au moins un moment de chaleur vitale. Ils avouent tacitement que c'est ici, la Patrie universelle. Cette nation, considérée ainsi comme l'asile du monde, est bien plus qu'une nation. C'est la fraternité vivante. En quelque défaillance qu'elle tombe, elle contient au fond de sa nature ce principe vivace qui lui conserve quoi qu'il arrive des chances particulières de restauration. Le jour où se souvenant qu'elle fut et doit être le salut du genre humain, la France s'entourera de ses enfants et leur enseignera la France comme foi et comme religion, elle se retrouvera vivante et solide comme le globe.
Jules Michelet - Le Peuple (1846)

Quand j’ai quitté la Colombie pour la France à 18 ans, la France représentait Sartre, la Révolution française, la justice. Je pensais que tout le monde y était très poli avec un langage soigné et soutenu. « Bonjour cher Monsieur, où est le métro Saint-Michel je vous prie ? »... Et puis on arrive et c’est : « Salut les meufs ! » ; un grand décalage. Mais je suis heureux d’avoir traversé les années et d’avoir vu la France nue, de l’avoir démystifiée. On est parfois déçu lorsqu’on voit les gens nus. Moi, au contraire, je suis de plus en plus amoureux. Je l’ai vue nue et je l’aime. J’ai une image très forte de Marianne. Pour moi, elle n’est pas une femme dans un tableau de Delacroix. Marianne existe. Quand j’étais SDF, que je vivais dans le métro, cette Marianne m’a donné la main, elle m’a embrassé, m’a serré dans ses bras et m’a donné son sein.
Elle m’a transmis ce rêve libertaire. Même si la France et certains Français l’oublient, ce pays est une lumière, un pays de justice, une nation phare, plus ou moins brillant suivant la tempête, mais qui brille aux yeux du monde.
Yuri Buenaventura - Salsero 

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